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2 Analyse spéciale : les transferts hors site pour élimination en Amérique du Nord entre 2014 et 2018

2.4 Analyse des transferts hors site pour élimination, de 2014 à 2018

2.4.3 Transferts pour élimination au Canada

Les transferts pour élimination déclarés par les établissements canadiens pour la période de 2014 à 2018 ont varié chaque année d’environ 97 Mkg à 109 Mkg (tableau 13). Ces transferts ont été effectués par approximativement 130 secteurs industriels et ont concerné environ 120 polluants.

Le diagramme de Sankey présenté à la figure 16 montre que quatre secteurs ont effectué à eux seuls 79 % des transferts totaux de cette catégorie en 2018 : l’extraction de pétrole et de gaz, y compris le secteur de l’extraction non classique de pétrole et de gaz (c.-à-d. l’exploitation des sables bitumineux)[55]; la sidérurgie; l’épuration des eaux usées; la gestion des déchets.

Ce diagramme révèle également qu’un nombre restreint de polluants, dont le sulfure d’hydrogène, le phosphore total, les composés de zinc et le méthanol, a fait l’objet d’une forte proportion du total des transferts hors site pour élimination et que, parmi toutes les pratiques d’élimination hors site, les transferts pour injection souterraine prédominaient.

Figure 16. Transferts pour élimination au Canada, par secteur, polluant et catégorie d’élimination en 2018

Ces principaux secteurs et polluants sont également illustrés dans les figures 17a et 17b respectivement, qui montrent comment les transferts pour élimination au Canada ont évolué entre 2014 et 2018.

Figure 17a. Transferts pour élimination au Canada : principaux secteurs, de 2014 à 2018

Figure 17b. Transferts pour élimination au Canada : principaux polluants, de 2014 à 2018

Les transferts pour injection souterraine au Canada avaient surtout pour origine le secteur de l’extraction de pétrole et de gaz, qui comprend à la fois les activités d’extraction classiques et non classiques (sables bitumineux) (SCIAN 21111 et 21114, respectivement)[56]. Entre 150 et 200 établissements, principalement situés dans les provinces de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan, ont déclaré chaque année des quantités variant entre 39,7 et 53,1 Mkg de transferts de ce type (soit entre 91 et 98 % du total des transferts pour injection souterraine effectués par tous les secteurs). En dépit de ces forts volumes, les établissements qui ont déclaré les plus importants rejets et transferts chaque année avaient tendance à éliminer leurs déchets sur place, par injection souterraine ou par élimination sur le sol (tableau 17).

Environ 17 % de ces transferts peuvent être attribués à l’exploitation des sables bitumineux. La production pétrolière et gazière au Canada a grimpé de plus de 75 % depuis 2000, surtout à cause d’un bond de 300 % de la production des exploitations de sables bitumineux en Alberta. La production dans ce secteur devrait passer d’environ 2,5 millions de barils par jour en 2016 à près de 4 millions en 2026[57].

Tableau 17. Transferts pour injection souterraine par le secteur canadien de l’extraction de pétrole et de gaz (SCIAN 21111 et 21114), et principales pratiques d’élimination des principaux établissements, de 2014 à 2018.

Parmi les principales substances déclarées par ce secteur, on compte le sulfure d’hydrogène (environ 70 % des totaux annuels), le méthanol (environ 20 %), ainsi que d’autres substances comme l’éthylèneglycol et le n-hexane. Le sulfure d’hydrogène est naturellement présent dans le pétrole brut et, en raison de sa nature corrosive, il doit en être retiré — après quoi les entreprises l’injectent habituellement dans des puits souterrains comme solution de rechange au torchage, qui est déconseillé en raison des émissions atmosphériques toxiques qu’il produit.

Comme cela est indiqué au chapitre 1, le secteur de l’extraction de pétrole et de gaz n’est pas soumis à déclaration au TRI américain. Ce secteur est visé par le RETC mexicain, mais les établissements ne transmettent pas tous des déclarations. Par exemple, sur les 149 établissements mexicains appartenant à ce secteur dont les données sont incluses dans la base de données À l’heure des comptes en ligne, seuls environ 20 % d’entre eux ont présenté des déclarations chaque année.

Le tableau 18 montre que trois secteurs canadiens (sur approximativement 115) ont déclaré chaque année un peu plus de la moitié de tous les transferts vers des décharges ou des structures de retenue en surface.

Tableau 18. Les trois principaux secteurs ayant effectué des transferts dans une décharge ou une structure de retenue en surface au Canada, de 2014 à 2018

Sur un total de 20 établissements dans le secteur de la sidérurgie (SCIAN 33111), dix d’entre eux, situés dans les provinces de l’Ontario, du Québec, de la Saskatchewan et de l’Alberta, ont déclaré des transferts vers des décharges ou des structures de retenue en surface durant la période; ensemble, les composés de zinc et de manganèse représentaient d’importantes proportions des transferts annuels (tableau 19). Le manganèse, substance importante pour ce secteur, est utilisé pour extraire l’oxygène et le soufre durant la production de fer, et constitue également un alliage essentiel à la transformation du fer en acier (USGS, 2014). Approximativement les trois quarts du zinc consommé par l’industrie sont utilisés comme revêtement de protection du fer et de l’acier contre la corrosion et comme alliage dans la fabrication du bronze et du laiton, ainsi qu’à d’autres fins (USGS, 2021).

Environ 40 % des établissements de ce secteur ont également recyclé des parties de leurs déchets de zinc et de manganèse. Il serait intéressant d’examiner les facteurs qui influent sur la gestion de ces déchets par les établissements — par exemple, si le choix des pratiques repose sur la qualité des déchets produits (notamment, la mesure dans laquelle les déchets peuvent être recyclés), sur la disponibilité d’établissements de recyclage, ou sur d’autres facteurs.

Tableau 19. Transferts vers une décharge ou une structure de retenue en surface par le secteur canadien de la sidérurgie (SCIAN 33111), de 2014 à 2018

Les transferts pour élimination effectués par le secteur de la gestion des déchets (SCIAN 562), qui occupait le deuxième rang au Canada, ont diminué entre 2014 et 2018, entraînant une augmentation correspondante des transferts pour recyclage, traitement ou récupération d’énergie (tableau 20).

Tableau 20. Transferts vers une décharge ou une structure de retenue en surface par le secteur canadien de la gestion des déchets (SCIAN 562), de 2014 à 2018

Ensemble, dix établissements de gestion des déchets ont été à l’origine de la majeure partie des transferts annuels de ce secteur vers des décharges ou des structures de retenue en surface (tableau 21). Ils ont déclaré des transferts de phosphore total, de zinc, de cuivre, de plomb, de manganèse et d’autres composés métalliques, ainsi que de tétrachloroéthylène, d’éthylèneglycol, de méthanol et de nombreux autres polluants. Ce secteur se charge des déchets produits par un éventail d’activités industrielles, déchets qui, dans certains cas, nécessitent une gestion ou un traitement spécialisé. Les capacités des établissements du secteur varient énormément et ils servent donc souvent d’intermédiaires en expédiant une partie des déchets qu’ils reçoivent à d’autres établissements, dont certains sont situés au-delà des frontières nationales. Il peut conséquemment être très difficile de faire le suivi de ces polluants jusqu’à leur élimination définitive. Cette question est examinée plus loin dans la présente section.

Tableau 21. Transferts vers une décharge ou une structure de retenue en surface par les principaux établissements du secteur canadien de la gestion des déchets (SCIAN 562), de 2014 à 2018

Le secteur de l’épuration des eaux usées (SCIAN 22132) se classait au troisième rang quant aux transferts pour élimination au Canada; il a principalement expédié des contaminants (sous forme de biosolides) pour épandage. Trois polluants — le phosphore total, l’acide nitrique et les composés de nitrate, et l’ammoniac — totalisaient environ 99 % des rejets et transferts effectués par ce secteur. Le phosphore total et l’ammoniac étaient également les principaux polluants transférés pour épandage.

Le tableau 22, qui indique les transferts pour épandage effectués par les cinq principaux établissements du secteur, montre que l’augmentation des transferts a surtout été attribuable à la station d’épuration Ashbridges Bay, de Toronto. Avant 2017, cet établissement transférait ses déchets vers des décharges ou des structures de surface, notamment un site établi aux États-Unis.

Tableau 22. Transferts pour épandage par le secteur canadien de l’épuration des eaux usées (SCIAN 22132), de 2014 à 2018

Outre le phosphore total et l’ammoniac, ces établissements ont déclaré des transferts de composés métalliques, notamment de cuivre, de plomb, de manganèse, de zinc, de sélénium, de cadmium et de mercure, ainsi que de nombreux autres polluants. Parmi les plus de 150 stations d’épuration d’eaux usées qui ont soumis des déclarations au cours de la période, celles situées dans les villes de Toronto, de Calgary, de Montréal et de Vancouver ont été à l’origine d’environ un tiers des rejets et des transferts totaux du secteur — ce qui était prévisible, puisque ces villes sont les plus peuplées du Canada et que les sources résidentielles, commerciales et industrielles y produisent des quantités considérables d’eaux résiduaires qu’il faut traiter. Le volume 13 d’À l’heure des comptes donnait un aperçu de la complexité des besoins en matière de traitement des eaux usées en Amérique du Nord, et de la grande variété de technologies qui peuvent être nécessaires pour traiter la myriade de polluants, connus ou nouveaux, présents dans ces eaux.

Comme l’expliquait le chapitre 1, les installations municipales et les autres installations publiques de ce secteur (dénommées « stations d’épuration publiques », mieux connues sous leur sigle anglais POTW) ne sont pas soumises à déclaration aux États-Unis. Au Mexique, le secteur de l’épuration des eaux usées n’est pas visé par le RETC, car il relève de la compétence municipale (toutefois, tout établissement mexicain qui rejette des eaux usées dans des eaux réceptrices nationales doit déclarer ces rejets).

Deux autres secteurs ont contribué à la hausse des transferts pour épandage au cours de la période :

Le tableau 23 présente les données concernant les transferts pour stabilisation (ou traitement) avant élimination, ainsi que les transferts pour stockage avant élimination — deux catégories qui ont représenté des proportions relativement restreintes dans les transferts totaux pour élimination au Canada au cours de la période.

Tableau 23. Transferts pour stabilisation ou traitement avant élimination et pour stockage avant élimination au Canada, de 2014 à 2018

Les données montrent que les raffineries de pétrole (SCIAN 32411) et le secteur de la sidérurgie (SCIAN 33111) ont été à l’origine d’une grande proportion des transferts totaux pour stabilisation ou traitement avant élimination. La diminution des quantités dans le secteur du raffinage du pétrole durant la période semble s’expliquer par une réduction des rejets et des transferts totaux, particulièrement dans le cas de l’aluminium (fumée ou poussière), effectués par la raffinerie North Atlantic située à Come by Chance (Terre-Neuve)[58]. Par ailleurs, l’augmentation dans le secteur de la sidérurgie a surtout été imputable à l’établissement Ivaco Rolling Mills (Ontario), qui a plus que doublé ses transferts de composés de zinc.

Les principaux secteurs qui ont effectué des transferts pour stockage avant élimination étaient ceux de la gestion des déchets (SCIAN 562) et de la production d’électricité (SCIAN 22111). La diminution des transferts pour stockage avant élimination dans le secteur de la gestion des déchets semble correspondre à une hausse des transferts pour recyclage, traitement ou récupération d’énergie de toluène, de xylènes, de méthyléthylcétone et d’autres polluants effectués par le secteur. En outre, l’augmentation dans le secteur de l’électricité durant la période peut surtout être attribuée aux plus importants transferts pour stockage de composés de manganèse et de phosphore total déclarés par la centrale thermique Capital Power–Genesee, en Alberta.

[55] Le secteur de l’extraction non classique de pétrole et de gaz, c’est-à-dire l’exploitation des sables bitumineux, est présenté séparément du secteur de l’extraction classique de pétrole et de gaz dans cette figure; cependant, les deux secteurs sont examinés ensemble dans le présent rapport.

[56] À partir de l’année de déclaration 2017, les activités d’extraction des sables bitumineux ont été subdivisées en deux catégories : l’extraction in situ de sables bitumineux (SCIAN 211141) et l’extraction minière de sables bitumineux (SCIAN 211142).

[57] CCE, 2020, Bassins de résidus de l’Alberta II. Dossier factuel relatif à la communication SEM-17-001.

[58] D’après le programme de l’INRP, les grandes quantités d’aluminium (fumée ou poussière) initialement signalées par cet établissement constituaient probablement une erreur de déclaration.

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