«
»

2 Analyse spéciale : les transferts hors site pour élimination en Amérique du Nord entre 2014 et 2018

2.4 Analyse des transferts hors site pour élimination, de 2014 à 2018

2.4.6 Transferts transfrontaliers pour élimination en Amérique du Nord, de 2014 à 2018

Comme l’indique le chapitre 1, chaque année, une partie des déchets industriels transférés pour élimination par les établissements nord-américains est expédiée dans d’autres pays de la région. Au cours de la période 2014-2018, les transferts transfrontaliers annuels pour élimination, illustrés à la figure 22, totalisaient entre 3,4 et 5,6 Mkg, ce qui représentait environ 2 % des transferts transfrontaliers totaux (figure 9)[68].

Figure 22. Transferts transfrontaliers pour élimination en Amérique du Nord, par catégorie, de 2014 à 2018

Quatre flux, ou modes habituels de transferts transfrontaliers, figurent dans les données des RRTP nord-américains : du Canada vers les États-Unis; du Mexique vers les États-Unis; des États-Unis vers le Canada; des États-Unis vers le Mexique. Le tableau 38 montre que les transferts pour élimination effectués par les établissements canadiens vers les États‑Unis représentaient la proportion la plus substantielle de tous les transferts de ce type à l’échelle du continent nord-américain, ce qui indique la prédominance du Canada, parmi les trois pays, au titre des transferts transfrontaliers totaux durant la période (chapitre 1).

Tableau 38. Transferts transfrontaliers pour élimination entre les trois pays d’Amérique du Nord, de 2014 à 2018

Transferts du Canada vers les États-Unis pour élimination

Les transferts canadiens vers les États-Unis en vue de l’élimination de déchets (surtout dans des décharges ou des structures de retenue en surface) se sont situés annuellement entre 2,4 et 2,8 Mkg — sauf en 2015 et en 2016, où ils ont grimpé à près de 5 Mkg. Parmi les quelque 25 secteurs qui ont déclaré de tels transferts, les cinq présentés au tableau 39 représentaient chaque année au moins 83 % des totaux.

Tableau 39. Transferts du Canada vers les États-Unis pour élimination, de 2014 à 2018

Les hausses en 2015 et 2016 s’expliquent par d’importants transferts de fluorure de sodium de l’établissement de Rio Tinto Alcan situé à Jonquière (Québec), une usine de fabrication faisant appel au procédé des cuves d’électrolyse dans le secteur de la fabrication de tous les autres produits minéraux non métalliques (SCIAN 32799). Ces transferts ont été expédiés à l’établissement EQ Detroit, Inc., un site de stockage, de traitement et d’élimination de déchets dangereux situé à Detroit (Michigan). Auparavant, l’établissement transférait des quantités similaires de fluorure de sodium à un établissement canadien, Newalta Corporation, à Châteauguay (Québec).

Des établissements du secteur de la gestion des déchets (SCIAN 562), tels que Revolution Environmental Solutions, Clean Harbors Canada, Toxco Waste Management et Greater Vancouver Sewerage Waste-to-Energy Facility, ont transféré une vaste gamme de composés métalliques, notamment de zinc, de cadmium, de plomb et de nickel, ainsi que du phosphore total, du toluène, des xylènes et d’autres substances, dans des décharges ou des structures de retenue en surface situées, entre autres, dans les États du Michigan, de l’Oregon et de Washington.

Plusieurs établissements appartenant aux sociétés canadiennes Safety-Kleen et Clean Harbors ont également effectué chaque année des transferts allant de 200 000 à 500 000 kg (principalement de chrome, de plomb et d’autres composés métalliques) vers des sites de Clean Harbors et EQ Detroit situés en Arkansas, au Texas et au Nebraska, pour stabilisation ou traitement avant élimination. Deux installations de Revolution Environmental Solutions, implantées en Ontario, ont également effectué des transferts pour injection souterraine d’environ 175 000 kg chaque année (surtout constitués d’acide sulfurique, d’acide chlorhydrique, et d’acide nitrique et composés de nitrate) vers des établissements tels qu’Environmental Geo Technologies (Michigan) et Vickery Environmental (Ohio).

Les transferts transfrontaliers pour élimination dans le secteur du laminage, de l’étirage, de l’extrusion et de l’alliage de métaux non ferreux (sauf le cuivre et l’aluminium) (SCIAN 33149) ont été effectués en majeure partie par Tonolli Canada, un établissement de recyclage de batteries en Ontario. Cette installation a transféré des polluants tels que des composés d’arsenic, d’antimoine, de plomb, de zinc et de vanadium dans des décharges ou des structures de retenue en surface situées dans plusieurs États, dont ceux du Michigan, de la Pennsylvanie, de New York et de l’Ohio.

Des établissements du secteur de la production et transformation d’alumine et d’aluminium (SCIAN 33131), comme l’Aluminerie de Bécancour et Scepter–Baie Comeau (Québec), Kaiser Aluminum (Ontario), et Rio Tinto Alcan–Kitimat (Colombie-Britannique), ont transféré des polluants tels que du fluorure de calcium, des composés de zinc, du benzo(b)fluoranthène, du chrysène, ainsi que d’autres, dans des décharges ou structures de retenue en surface aux États-Unis au cours de la période. Cependant, à partir de 2016, la majeure partie des transferts de ce secteur — principalement de l’aluminium (fumée ou poussière), des composés de manganèse, de zinc et de vanadium, et d’autres composés métalliques — a été effectuée par l’installation de Scepter Aluminum située dans la région du Saguenay (Québec).

Enfin, un établissement du secteur des usines de pâte à papier (SCIAN 32211), la fabrique de pâte Twin Rivers à Edmunston (Nouveau-Brunswick), a signalé avoir effectué des transferts aux États-Unis aux fins d’épandage. Cet établissement a effectué chaque année des transferts allant d’environ 40 000 kg à plus de 200 000 kg de phosphore total, de chlore, de composés de manganèse et d’autres composés métalliques à un emplacement décrit comme des « terres agricoles du Maine » à Madawaska, dans l’État du Maine (ville située immédiatement de l’autre côté de la frontière par rapport à Edmunston).

Transferts du Mexique vers les États-Unis pour élimination

Les transferts du Mexique vers les États-Unis pour élimination (dont la quasi-totalité dans la catégorie du stockage avant élimination) ont représenté moins de 65 000 kg chaque année, sauf en 2018, où ils sont passés à près de 1,6 Mkg. Au total, 14 secteurs ont transmis des déclarations au cours de la période, mais ceux qui avaient déclaré les plus importantes proportions en 2014 n’étaient pas les mêmes que ceux qui l’ont fait en 2018. En conséquence, le tableau 40 présente les six secteurs industriels qui, ensemble, ont représenté chaque année au moins 50 % du total.

Tableau 40. Transferts du Mexique vers les États-Unis pour élimination, de 2014 à 2018

Il est intéressant de constater que pour chacun de ces secteurs industriels, le total était déterminé par une seule installation :

Transferts des États-Unis vers le Canada pour élimination

Au cours de chaque année de la période, les transferts des États-Unis vers le Canada pour élimination se sont situés entre 615 000 kg et tout juste un peu plus de 1 Mkg. Ces quantités se répartissaient de manière relativement uniforme entre trois catégories : des transferts dans une décharge ou une structure de retenue en surface, des transferts pour stabilisation ou traitement avant élimination et des transferts pour élimination (autre mode/inconnu). Des proportions restreintes ont également été transférées pour injection souterraine. Parmi les 46 secteurs industriels ayant déclaré de tels transferts durant la période, les cinq qui figurent au tableau 41 représentaient ensemble au moins 50 % du total chaque année.

Tableau 41. Transferts des États-Unis vers le Canada pour élimination, de 2014 à 2018

Quelques établissements du secteur de la gestion des déchets (SCIAN 562), notamment Heritage Environmental Services en Indiana, Clean Earth au New Jersey, et des installations de Clean Harbors au Massachusetts et au Texas, ont effectué la majeure partie des transferts vers le Canada pour élimination dans des décharges ou des structures de retenue en surface. Ces établissements ont transféré des composés de nickel, de cuivre, de chrome, de plomb, de zinc et d’arsenic à Stablex, une installation de traitement et d’élimination sûre des déchets dangereux qui est située à Blainville (Québec). Clean Earth, au New Jersey, a également transféré du trichloroéthylène à Englobe, une installation spécialisée en régénération des sols située à Montréal.

Des établissements tels que Retriev Technologies, en Ohio, et Cycle Chem Inc. et Veolia Technical Solutions, au New Jersey, ont également transféré des composés de cadmium, d’arsenic, de zinc, de plomb et de chrome pour stabilisation ou traitement avant élimination à des installations telles que Stablex et Revolution Environmental Solutions (à Midhurst, en Ontario). Plusieurs établissements comme US Ecology (Texas) et Vickery Environmental (Ohio) ont aussi déclaré des transferts de polluants, notamment de l’éthylèneglycol, du nitrate de sodium, des composés de mercure et de zinc, et d’autres composés métalliques dans la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) »; ces transferts ont principalement été envoyés à Stablex et à l’installation de Clean Harbors à Corunna (Ontario).

Les transferts effectués en 2014 par le secteur du laminage, de l’étirage, de l’extrusion et de l’alliage de métaux non ferreux (sauf le cuivre et l’aluminium) (SCIAN 33149) ont été déclarés par un établissement, Revere Smelting and Refining (État de New York), qui a expédié des composés de plomb, de chrome, d’antimoine et d’arsenic à Stablex (Québec) pour élimination. En 2018, les transferts dans des décharges ou des structures de retenue en surface ont principalement eu pour origine l’établissement d’American Zinc and Recycling, en Pennsylvanie, qui a envoyé des composés de zinc, de manganèse, de plomb, de nickel et de cadmium à Stablex, et à l’installation de Clean Harbors à Corunna.

En 2017 et 2018, Supercon Inc., un fabricant de fil supraconducteur, a transféré de l’acide nitrique et composés de nitrate, ainsi que des composés de cuivre, à Stablex pour injection souterraine. Les transferts effectués par ce secteur dans la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) » en 2018 ont eu pour source principale l’installation de BASF en Caroline du Sud, qui a transféré près de 7 000 kg de composés de baryum au complexe de fusion de nickel de Vale Canada, à Copper Cliff (Ontario).

Quelques établissements du secteur du revêtement, de la gravure, du traitement thermique et d’activités analogues (SCIAN 33281) ont effectué la majeure partie des transferts déclarés par ce secteur entre 2014 et 2018. Ce sont Unimetal Surface Finishing, Pape Electroplating et Waterbury Plating, tous situés au Connecticut; ils ont transféré des composés de zinc, de cuivre, de nickel et de plomb à Stablex pour stabilisation ou traitement avant élimination.

L’établissement Phelps Dodge Copper Products d’El Paso (Texas), appartenant au secteur du laminage, de l’étirage, de l’extrusion et de l’alliage du cuivre (SCIAN 33142), a effectué la totalité des transferts de la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) » déclarés par ce secteur entre 2014 et 2016. Il a expédié des composés de sélénium, d’antimoine, de nickel et d’arsenic à la raffinerie de cuivre et de métaux précieux Glencore Canada, située à Montréal (Québec). Avant 2016, trois installations d’IWG Nest Inc., situées dans l’État de New York, ont transféré quelques milliers de kilogrammes de composés de cuivre à Stablex pour stabilisation ou traitement avant élimination.

En 2016 et 2018, l’établissement de Dow Chemical à Midland (Michigan), appartenant au secteur de la fabrication de pesticides et d’autres produits chimiques agricoles (SCIAN 32532), a déclaré des transferts d’un total de près de 280 000 kg de composés de manganèse à l’installation de Clean Harbors, à Corunna (Ontario) dans la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) ».

Transferts des États-Unis vers le Mexique pour élimination

Au cours de la période, des transferts des États-Unis vers le Mexique ont été déclarés par 14 établissements appartenant à 11 secteurs industriels, et ce, en quantités se situant chaque année entre 1 315 kg et un peu moins de 3 500 kg. Le tableau 42 indique les trois secteurs qui, ensemble, ont été à l’origine de la majeure partie de ces transferts, lesquels ont surtout été déclarés dans la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) ».

Tableau 42. Transferts des États-Unis vers le Mexique pour élimination, de 2014 à 2018

Ces transferts ont eu comme source principale un établissement dans chacun des trois secteurs industriels :

Ces transferts transfrontaliers fournissent certains aperçus des sources et des types de transferts déclarés. Pour de nombreux établissements, une considération de première importance dans le choix d’un établissement destinataire est l’aptitude de celui-ci à traiter et éliminer adéquatement les déchets, ce qui est fort probablement la raison pour laquelle certains établissements américains choisissent d’expédier leurs déchets à une installation canadienne spécialisée comme Stablex ou Clean Harbors. Ces installations destinataires peuvent être choisies parce que, même si elles sont situées au-delà de la frontière, ce sont les options les plus proches qui offrent les services spécialisés requis; ou encore, la décision peut reposer sur d’autres facteurs (p. ex. des relations solidement établies, des économies d’échelle ou l’absence de capacités de traitement locales). Néanmoins, l’expédition de déchets au-delà des frontières nationales aux fins d’élimination peut être coûteuse selon la nature des déchets, les exigences de manipulation, le coût du carburant et les frais d’élimination[71]. Comme cela est mentionné à la section 2.3, tant les établissements que les pays doivent aussi composer avec le « coût social » du transport de déchets dangereux au-delà des frontières.

Pour certains déchets, les options sont très limitées. C’est le cas de ceux comprenant des revêtements de cuve d’électrolyse usés, qui sont considérés comme posant un problème majeur de gestion des déchets à l’industrie de l’aluminium en raison de leur teneur fortement toxique en cyanure et en fluorure. L’aluminium de première fusion est produit par réduction électrolytique de l’alumine dans des cellules, ou des cuves, qui doivent être éliminées lorsqu’elles deviennent inutilisables. Depuis 2008, l’installation de traitement de la ligne de cuve de Rio Tinto Alcan à Jonquière, au Québec, traite et recycle les déchets de revêtements de cuve usés. Toutefois, de telles technologies sont nouvelles, sans compter qu’elles sont coûteuses, tout comme le sont les responsabilités légales associées à des mises en décharge inadéquates. Il s’ensuit que de nombreuses alumineries stockent simplement leurs déchets de revêtements de cuve usés depuis des décennies, dans l’attente d’une technologie de recyclage qui pourrait y ajouter de la valeur, ou d’une option plus économique et sûre en matière d’élimination[72]. Dans le cas du processus de recyclage de Rio Tinto Alcan, les cendres résiduelles, considérées comme étant inertes et non dangereuses, sont habituellement expédiées vers des fours à ciment pour être utilisées dans la production de béton.

Dans certains cas, les données relatives aux transferts transfrontaliers soulèvent des questions au sujet de la nature et de la gestion des déchets éliminés. On en trouve un exemple dans les transferts pour épandage de 100 000 kg à 200 000 kg de polluants qu’a effectués chaque année l’usine de pâte à papier Twin Rivers, au Nouveau-Brunswick, vers un lieu uniquement décrit comme des « terres agricoles au Maine ». Aucune autre information n’est fournie au sujet de cet emplacement, et l’on ignore notamment quelle est l’entité qui a la responsabilité de gérer les déchets d’une manière écologiquement rationnelle.

Ces données soulèvent également l’enjeu, de plus grande ampleur, que suscite des pratiques d’élimination de déchets déclarées, ainsi que la question de savoir si les données reflètent des erreurs de déclaration, ou un caractère inadéquat des catégories d’élimination disponibles qui les empêche d’être représentatives des pratiques auxquelles des établissements ont concrètement recours. Par exemple, certains transferts de métaux déclarés, soit pour stockage avant élimination, soit dans la catégorie « autre mode d’élimination (inconnu) », semblent avoir été destinés au recyclage ou au réemploi (notamment les transferts de composés de plomb par C&D Technologies Reynosa à l’installation Buick Resource Recycling, et les transferts de composés de zinc par Western Tube and Conduit à l’établissement Recicladora Temarry de México). Quoi qu’il en soit, un élément constitutif probable de ce problème est le fait que souvent, comme cela a déjà été mentionné, les données des RRTP ne permettent pas de suivre le devenir des polluants au-delà du premier destinataire déclaré par l’établissement d’origine.

[68] Comme l’indique le chapitre 1, le plus récent ensemble de données de l’INRP a subi une révision des données canadiennes sur les transferts transfrontaliers de 2014 à 2018 dont le présent rapport ne tient pas compte. Les lecteurs peuvent consulter le site de l’INRP pour de plus amples renseignements à ce sujet.

[69] Voir : Intermetro de México, S. de R.L. de C.V.

[70] Voir : Grupo Schumex, S.A. de C.V.

[71] Voir : MCF, 2022. “Hazardous Waste Disposal Costs—What to Know about Transportation Fees”, MCF Environmental Services, 6 avril 2022.

[72] Voir : Pyrotek , et “The SPL Waste Management Challenge in Primary Aluminum”, Light Metal Age, 16 mars 2021.

«
»

Commission de coopération environnementale

Pour plus d’information veuillez contacter : info@cec.org