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Justice environnementale

Justice environnementale

La quête de justice environnementale (JE) vise à remédier aux inégalités, à la marginalisation et à la discrimination historique, auxquelles font face certaines communautés à l’égard des avantages et des fardeaux environnementaux dont elles bénéficient ou qui leur nuisent. La JE est devenue à la fois un symbole d’aspiration et un impératif au chapitre des politiques publiques pour l’établissement d’une société plus saine, plus durable et plus juste. La réalisation de la justice environnementale est au cœur de la mission de la CCE.

Environmental Justice

#CCE31 : 31e session annuelle du Conseil et tribune publique du CCPM

La 31e session annuelle du Conseil (#CCE31) de la Commission de coopération environnementale (CCE) et la tribune publique du Comité consultatif public mixte (CCPM) auront lieu du 24 au 26 juin 2024 à Wilmington, en Caroline du Nord. Le thème de la session sera : « Renforcer la justice environnementale grâce à l’autonomisation des collectivités ».

Qu'est-ce que la justice environnementale?

Si l’origine précise de la justice environnementale en tant que concept et mouvement demeure contestée, on s’accorde généralement pour dire que le mouvement « JE », comme il s’est autoproclamé, s’est amorcé aux États-Unis, dans le sillage du mouvement en faveur des droits civils et de la lutte contre la ségrégation raciale, dans les années 1950. Le mouvement pour la JE concernait les effets de la pollution sur une population déjà désavantagée et marginalisée et se démarquait ainsi du mouvement écologiste plus traditionnel, axé sur la conservation des ressources naturelles.

Des événements historiques ont marqué des étapes clés du mouvement pour la JE. C’est le cas de la grève des services sanitaires à Memphis (Tennessee), en 1968, déclenchée après la mort de deux travailleurs afro-américains, écrasés lors d’un accident de travail. D’autres jalons en matière de JE, comme la manifestation d’occupation du site d’enfouissement de BPC du comté de Warren en 1982, ont permis de renforcer l’identité, le message et la terminologie du mouvement pour la JE, en réponse à des données probantes sur les niveaux de pollution disproportionnellement élevés dans des quartiers où vivaient principalement des personnes Afro-américaines et des personnes de couleur.

En 1991, le premier National People of Color Environmental Leadership Summit (sommet national des personnes de couleur sur le leadership en environnement) fut un événement clé qui a propulsé le mouvement pour la JE sur la scène nationale aux États-Unis, en plus de susciter un intérêt à l’échelle régionale et mondiale. Des centaines d’activistes provenant de partout aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en Amérique centrale, et ailleurs, se sont réunis à Washington, D.C. Au terme de quatre jours, ils ont publié les 17 principes de la justice environnementale, qui demeurent aujourd’hui encore des fondements du mouvement pour la JE.

Depuis ses débuts, la justice environnementale a pour essence de protéger les personnes contre les effets de la pollution et les préjudices. Elle combat le racisme, la discrimination et les violations des droits de la personne attribuables aux conséquences inéquitables de la pollution et de la dégradation de l’environnement. Le mouvement plus vaste, mondial, de la justice environnementale a évolué en parallèle à un mouvement écologiste international associé plus largement aux droits de la personne et à la défense de l’environnement, apparu à la fin du XXe siècle. Il faisait écho au mouvement pour la JE et a adopté des messages cohérents avec ceux de la JE.

Existe-t-il un cadre ou un prisme particulier pour examiner la justice environnementale du point de vue des perspectives autochtones? Les enjeux liés aux droits autochtones sont-ils également des enjeux de JE? L’un est-il un sous-ensemble de l’autre, ou sont-ils interreliés? De plus en plus d’écrits et de discussions abordent la notion de justice environnementale autochtone (JEA). L’analyse autochtone des lacunes et faiblesses actuelles des modèles de développement occidentaux passés et présents se fonde largement sur l’histoire coloniale et sur les systèmes de gouvernance coloniaux qui perdurent à ce jour. La plupart des communautés autochtones avancent qu’il faut démanteler ou décoloniser ces systèmes pour rétablir un équilibre durable entre les univers naturel, spirituel et humain. Cette vision « déconstructionniste » de la situation actuelle guide la plupart des plaidoyers en faveur de la défense des droits autochtones, et influe donc sur les approches de la JEA.

La défense des droits autochtones comprend plusieurs objectifs liés à la JE, par exemple dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) : le droit à la diversité et la quête de diversité, la justice et l’accès à celle-ci, la non-discrimination, l’équité, la participation à la prise de décisions, l’accès à l’information, la santé physique et mentale, les recours, les réparations et les dédommagements, ainsi que des considérations intersectionnelles concernant des groupes vulnérables (y compris les jeunes, les aînés, les femmes et les personnes handicapées), la conservation non discriminatoire de l’environnement et la saine gestion des déchets toxiques.

Une zone grise persiste dans l’analyse du cadre de la JE à propos de certains enjeux propres à la JEA. Elle porte sur les revendications d’autonomie, de souveraineté, d’autodétermination et d’autonomie gouvernementale des peuples autochtones, de même que sur la priorisation de la déconstruction de l’héritage colonial. À l’opposé de ces objectifs visés par de nombreux peuples autochtones, bon nombre de leaders de la JE, bien que critiques de l’héritage des systèmes de gouvernance et des inégalités qu’ils engendrent, favorisent l’inclusion et la participation aux systèmes de gouvernance existants plutôt que l’autonomie des peuples ou l’autonomie gouvernementale.

Depuis plusieurs décennies, les mouvements militants pour la JE et le milieu universitaire nous aident à comprendre que les gens ne subissent pas de la même façon les effets de la pollution, de la chaleur extrême, des inondations et des phénomènes environnementaux et climatiques. Certaines personnes subissent plusieurs degrés de discrimination systémique interreliés, en raison de leur race, de leur classe sociale, de leur identité de genre, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur citoyenneté ou de leur statut résidentiel, de leurs handicaps visibles ou invisibles, ou d’autres aspects de leur expérience personnelle et/ou de leur identité.

En 1989, Kimberlé Crenshaw a proposé un cadre pour envisager comment les concepts sociaux tels que la race et le genre peuvent interagir, sans s’exclure mutuellement, dans des contextes sociojuridiques. Elle s’est intéressée surtout aux femmes noires qui subissaient plusieurs degrés de discrimination interreliés, fondée sur la race et le sexe, et qui faisaient d’elles des personnes « accablées de façons multiples ».

Mme Crenshaw définit l’intersectionnalité comme: [traduction] « une métaphore permettant de comprendre comment de multiples formes d’inégalités ou de désavantages se combinent parfois pour créer des obstacles qu’une pensée conventionnelle ne permet pas de comprendre. »

Plusieurs définitions officielles de la justice environnementale ont circulé récemment au Canada. Le Lexique sur les changements climatiques et la santé publique d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) définit ainsi la JE :

« Principe selon lequel toute personne, indépendamment de sa race, de son origine ethnique, de sa religion, de son sexe ou de son genre, de son âge, de sa classe sociale, de sa situation socioéconomique, a droit à une protection équitable en vertu des lois sur l’environnement et peut participer au processus décisionnel en matière d’environnement dans sa communauté. »

ECCC définit également l’« injustice » environnementale, qui permet d’interpréter la justice environnementale dans le contexte canadien (en soulignant l’exposition inéquitable aux risques, y compris pour la santé humaine, et la vulnérabilité aux changements climatiques) :

« L’injustice environnementale désigne l’exposition inéquitable aux risques environnementaux, y compris aux risques sanitaires, ce qui rend certaines populations plus vulnérables aux changements climatiques. »

On trouve une définition plus récente de la justice environnementale (qui fait également mention de l’« injustice » environnementale) dans la Stratégie nationale d’adaptation du Canada de 2023 :

« Justice environnementale : l’injustice environnementale reflète la discrimination procédurale et géographique des communautés autochtones, noires, racialisées, religieuses, à faibles revenus, 2SLGBTQI+, les femmes et d’autres communautés marginalisées telles que les très jeunes, les personnes âgées ou les personnes souffrant d’inégalités structurelles, de pauvreté ou d’isolement. Ces mêmes communautés sont également sous-représentées dans les espaces de prise de décision en matière d’environnement. »

Les principes directeurs de la Stratégie nationale d’adaptation font également référence à la justice environnementale (dans un contexte climatique) :

« Les efforts d’adaptation doivent faire progresser la justice climatique et, plus largement, la justice environnementale. Il s’agit notamment d’aborder et de réduire au minimum les inégalités sociales, de genre, raciales et intergénérationnelles, ce qui nécessite la présence de diverses perspectives à la table des négociations, y compris celle des jeunes et des personnes handicapées. Il s’agit également de prioriser les populations et les collectivités les plus exposées aux risques des effets des changements climatiques, par exemple en raison des pratiques et des politiques historiques et en cours qui façonnent les expériences vécues, la capacité et l’accès aux ressources. En élaborant des systèmes et des solutions plus résilients au climat, nous avons la possibilité de nous attaquer aux inégalités systémiques qui rendent les gens plus vulnérables. »

Le terme « justice environnementale » est apparu au Mexique dans les années 1990; on l’utilise généralement en lien avec les problèmes de justice procédurale. Actuellement, deux programmes gouvernementaux dans le secteur environnemental mexicain proposent une définition de la JE.

Le Programa Sectorial de Medio Ambiente y Recursos Naturales (Promarnat, programme sectoriel pour l’environnement et les ressources naturelles) 2020-2024 propose une définition limitée de la JE, liée aux volets judiciaires et procéduraux :

[traduction] « L’obtention d’une solution judiciaire opportune à un conflit environnemental précis, qui tient compte du fait que toutes les personnes doivent avoir les mêmes possibilités d’accéder à la justice environnementale. »

Le programme 2021–2024 d’accès à la justice environnementale du Profepa propose une définition de la JE qui en inclut d’autres aspects plus globaux :

« Les droits de la nature pour tou·tes; individus, familles, collectivités, entreprises et autres groupes de personnes liés à l’environnement, considéré comme un bien commun, mais en échange de responsabilités et d’obligations légales. Ces responsabilités et obligations sont souvent regroupées sous le concept de “responsabilité sociale et environnementale”. La liberté d’exploiter l’environnement prend fin lorsqu’elle représente une menace pour autrui (nous avons donc l’obligation de ne pas surexploiter les ressources) et lorsque l’environnement (biodiversité, habitats naturels et diversité génétique) serait lui-même menacé par les activités humaines. »

Le terme « justice environnementale » n’est apparu dans l’usage courant aux États-Unis qu’au milieu des années 1990. Auparavant, on parlait soit d’« équité environnementale », soit de « racisme environnemental ».

Une des plus récentes définitions de la JE du gouvernement des États-Unis figure dans le décret-loi (Executive Order) 14096, intitulé Revitaliser l’engagement de notre nation en faveur de la justice environnementale pour tou·tes (Revitalizing our Nation’s Commitment to Environmental Justice for All). Dans cette ordonnance d’avril 2023, la justice environnementale est définie ainsi :

[traduction] « La “Justice environnementale” signifie le traitement équitable et la participation constructive de toutes les personnes, quels que soient leur revenu, leur race, leur couleur de peau, leur origine nationale, leur affiliation tribale ou leur handicap, aux décisions de l’agence et autres activités au niveau fédéral qui ont une incidence sur la santé humaine et l’environnement de sorte que les personnes : i) soient pleinement protégées contre les effets néfastes disproportionnés sur la santé humaine et l’environnement (y compris les risques) et les dangers, notamment ceux qui sont liés aux changements climatiques, aux effets cumulatifs des fardeaux environnementaux et autres, et à l’héritage du racisme ou d’autres obstacles structurels ou systémiques; ii) aient toutes accès à un environnement sain, durable et résilient dans lequel elles peuvent vivre, jouer, travailler, apprendre, s’épanouir, pratiquer leur religion et leur culture, et assurer leur subsistance. »

Série de discussions sur la justice environnementale en Amérique du Nord à la CCE

Cette série de discussions fait appel à diverses personnes de toute l'Amérique du Nord expertes de la justice environnementale, pour explorer l'évolution historique, l'état actuel, les définitions, les politiques et les questions émergentes en matière de justice environnementale au Canada, au Mexique et aux États-Unis.

Justice environnementale: origines, évolution et politiques émergentes en Amérique du Nord

31 Août 2023

Cette discussion a marqué le lancement de la «Série de discussions sur la justice environnementale en Amérique du Nord à la CCE», présentant les conclusions de la recherche initiale menée par des stagiaires de la CCE sur l'évolution de la justice environnementale au Canada, au Mexique et aux États-Unis. Le dialogue a commencé par un large aperçu des conceptualisations et des définitions de la justice environnementale, mettant en évidence les outils, les programmes et les politiques publiques liés à la justice environnementale en Amérique du Nord. Des membres du Secrétariat et du Conseil de la CCE ont assisté à un événement à huis clos pour examiner les résultats de la recherche.

La justice environnementale au Canada

22 avril 2024

Cette discussion a porté sur l'histoire, les nuances et les manifestations de la justice environnementale au Canada dans un contexte nord-américain plus large. Les échanges ont porté sur les modèles historiques de migration, le colonialisme et les relations avec les communautés autochtones, ainsi que sur la manière dont ces éléments ont façonné la compréhension canadienne de la justice environnementale. La discussion a également porté sur le profil de la défense des intérêts des communautés, le rôle du secteur privé et les tentatives législatives émergentes pour codifier la justice environnementale au Canada.

La justice environnementale au Mexique

11 juin 2024

Cette discussion a permis d'explorer la signification de la justice environnementale au Mexique. Les personnes expertes invitées ont fait part de leur avis sur la manière dont le terme spécifique de "justice environnementale" au Mexique est généralement entendu par rapport aux éléments procéduraux de l'accès à l'information, de la participation du public et de l'accès à la justice. Bien qu'il n'y soit pas nécessairement fait référence dans les textes sur l'environnement ou les politiques publiques, les personnes expertes ont également souligné la pertinence des conflits agraires, fonciers et autres conflits post-coloniaux, celle des droits des autochtones, de la marginalisation et de la pollution environnementale spécifique sur le plan géographique. Elles ont également traité des risques encourus par les défenseur·euses de l'environnement, qui se trouvent au cœur de la discussion sur la justice environnementale au Mexique.

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