Sélection des indicateurs clés de performance et détermination des impacts - Pourquoi et comment mesurer la PGA
La mesure de la PGA ne devrait pas se limiter à mesurer la quantité d’aliments qui sont retirés de la chaîne d’approvisionnement. Cette seule mesure ne permet pas de connaître les impacts et les avantages de la réduction et de la prévention de la PGA. La prévention de la PGA apporte d’importants avantages économiques, environnementaux et sociaux qu’il est également possible de déterminer.
Quels impacts devrais-je déterminer?
Les indicateurs clés de performance peuvent démontrer l’efficacité d’une organisation en ce qui a trait à l’atteinte d’un objectif ou à l’évaluation d’activités. L’utilisation d’un ensemble de paramètres bien définis peut l’aider à déterminer si elle atteint ses objectifs de prévention de la PGA, de redistribution des aliments ou de réacheminement. Ces paramètres peuvent également servir à évaluer le progrès et à adapter les mesures à l’avenir. Les impacts possibles peuvent être classés dans trois grandes catégories :
- impacts environnementaux;
- impacts financiers;
- impacts sociaux.
Les organisations peuvent suivre leurs progrès (et communiquer leurs bons résultats) plus efficacement si elles utilisent une diversité de paramètres appropriés et tiennent compte des résultats dans les trois catégories.
Impacts environnementaux
La production alimentaire et tous les procédés connexes (transformation, fabrication, conditionnement, distribution, réfrigération, cuisson) nécessitent des ressources, comme des terres arables et des pâturages, de l’eau douce, des combustibles et des intrants chimiques (engrais, herbicides et pesticides, par exemple) Ils ont en outre des impacts environnementaux, comme la pollution de l’air et de l’eau, l’érosion des sols, l’émission de gaz à effet de serre et la perte de biodiversité.
En fonction de la façon dont elle est gérée, la PGA peut avoir d’autres impacts environnementaux qui auraient été évités si les aliments avaient été consommés. Certains de ces impacts sont attribuables au transport des déchets, à l’utilisation de terres pour l’enfouissement et aux émissions de méthane des dépotoirs. Bien qu’ils soient moins importants que les impacts attribuables à la production, ils peuvent néanmoins être considérables.
Voici des exemples d’impacts environnementaux qui pourraient être mesurés, parallèlement à la collecte de données sur la PGA : émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau, utilisation des terres, utilisation d’engrais, consommation énergétique, perte de biodiversité.
Émissions de gaz à effet de serre
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont l’impact environnemental associé à la PGA qui est suivi le plus attentivement. Pour la plupart des produits alimentaires, il est possible de déterminer les émissions de GES en effectuant une analyse du cycle de vie (ACV), qui brosse un portrait détaillé des émissions de GES attribuables à la production d’un aliment, de sa production jusqu’au moment où il est perdu ou gaspillé. Chaque produit alimentaire est associé à un ensemble unique de facteurs d’émission de GES, qui dépend des terres et des ressources nécessaires à sa production. Les facteurs d’impact des GES augmentent lorsque la PGA est générée à des étapes plus avancées de la chaîne d’approvisionnement.
Une grande partie des données d’ACV est accessible au public. Les sources ci-après fournissent des facteurs d’impact des émissions de GES :
- études de l’ACV de produits individuels, qu’on peut trouver à l’aide de moteurs de recherche;
- bases de données commerciales comme Ecoinvent, GaBi, FoodCarbonScopeData, World Food LCA Database (Quantis) et Agri-Footprint (Blonk Consultants);
- Life Cycle Assessment Commons (données communes sur l’évaluation du cycle de vie) de l’US Department of Agriculture (USDA, Département de l’agriculture des États-Unis).
Le Waste Reduction Model (WARM, modèle de réduction du gaspillage) de l’EPA peut faciliter l’évaluation des émissions de GES associées à la PGA. Il fournit une estimation de ces émissions pour des méthodes de référence de gestion des déchets et pour des méthodes de substitution, notamment la réduction à la source, le recyclage, la digestion anaérobie, la combustion, le compostage et l’enfouissement.
Consommation d’eau
On consomme de l’eau à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, que ce soit pour arroser les cultures, pour les procédés de fabrication ou pour rejeter à l’égout les déchets alimentaires. On peut inclure trois types d’eau lors de l’évaluation des impacts environnementaux (Hoekstra et coll., 2011) :
- Eau bleue – eau puisée à même des sources souterraines ou de surface (p. ex., eau d’irrigation)
- Eau grise – l’eau nécessaire à la dilution de l’eau polluée avant qu’elle soit retournée dans l’environnement
- Eau verte – eau provenant de l’évaporation de l’humidité présente dans le sol (p. ex., eau de pluie)
La plupart des estimations d’impacts environnementaux n’incluent que l’eau bleue et l’eau grise, bien que l’eau verte soit pertinente dans les régions arides.
La plus vaste base de données sur les impacts de la consommation d’eau est celle du Water Footprint Network; l’outil d’évaluation de l’empreinte hydrique est particulièrement utile (Water Footprint Network, 2018). Lorsque vous utilisez l’outil, sélectionnez « Production Asssessment », puis la denrée voulue et le pays d’origine pour obtenir les données. Le Water Footprint Network fournit également les facteurs d’impact sur l’eau bleue, grise et verte, par pays, pour les produits cultivés et les produits animaux.
Les émissions de GES et la consommation d’eau sont les impacts environnementaux que l’on mesure le plus couramment relativement à la PGA; cependant, plusieurs autres impacts sont pertinents et, parce qu’ils sont moins souvent quantifiés, il existe moins de ressources pour les mesurer.
Utilisation des terres
La mesure de l’impact sur l’utilisation des terres est plus complexe que celle sur les émissions de GES ou l’eau, entre autres à cause de cultures multiples (plusieurs cultures récoltées sur une même terre durant une année) et de cultures ayant des cycles pluriannuels, comme la canne à sucre. Il n’existe pas pour l’instant d’outil simple et facilement accessible pour calculer l’utilisation des terres associée à la PGA, mais le document Food Wastage Footprint (empreinte du gaspillage alimentaire) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) fournit des estimations mondiales des terres utilisées pour produire des aliments qui sont perdus ou gaspillés, ainsi que des données sur les impacts relatifs de divers types de denrées (FAO, 2015).
Utilisation d’engrais
À l’étape de la production, on peut estimer grosso modo l’utilisation d’engrais associée à la perte ou au gaspillage d’aliments en multipliant le pourcentage de PGA par la quantité totale d’engrais utilisée. Il n’existe cependant pas de méthode simple pour les autres étapes de la chaîne d’approvisionnement, où on ne connaît pas forcément les quantités totales d’engrais utilisées. Une étude a évalué les pertes liées à l’utilisation d’engrais à l’échelle nationale à partir d’informations contenues dans la base de données de la FAO, FAOSTAT (Kummu et coll., 2012, FAO, s.d.).
Consommation énergétique
La plupart des estimations des impacts environnementaux ne précisent pas la part que la consommation énergétique représente dans les estimations d’émissions de GES, mais une étude américaine a révélé que l’énergie contenue dans les aliments gaspillés représentait environ 2 % de la consommation énergétique annuelle du pays (Cuellar et Webber, 2010). La Food Loss and Waste Toolkit de la Provision Coalition, fondée sur l’approche d’Enviro–Stewards, pourrait aider les entreprises à évaluer leur consommation énergétique en lien avec la PGA.
Perte de biodiversité
On s’intéresse depuis peu à la perte de biodiversité associée à la PGA. La production alimentaire est le principal facteur de la perte de biodiversité, attribuable à la conversion d’habitats naturels en terres agricoles, à l’intensification de l’agriculture et de l’élevage, à la pollution et, dans le cas des poissons, à la surpêche (Rockstrom et coll., 2009). Une partie de cette perte de biodiversité est attribuable à la production d’aliments qui sont gaspillés. Au moment de rédiger le présent guide, il n’existait aucune ressource simple pour faciliter l’évaluation du potentiel de perte de biodiversité. Des outils pourraient cependant être créés ultérieurement.
Impacts financiers
La plupart des impacts financiers de la PGA sont associés à l’élimination, mais le coût total de la PGA comprend toutes les ressources gaspillées, en plus de la nourriture. Si on ne s’intéresse qu’aux coûts de l’élimination, on passe à côté de la grande majorité des possibilités et avantages financiers associés à la prévention de la PGA. De façon générale, la quantification des coûts de la PGA pourrait inclure une évaluation des éléments suivants :
- les coûts d’achat des intrants alimentaires et/ou des ingrédients;
- les coûts ajoutés aux aliments au sein de l’entreprise (p. ex., coûts de la main-d’œuvre et des services d’utilité publique);
- les coûts associés à la redistribution des aliments excédentaires ou à l’élimination/au traitement des déchets alimentaires.
Les impacts financiers qui peuvent être déterminés, en plus des données sur la PGA, comprennent notamment les suivants :
- la valeur de la nourriture perdue ou gaspillée;
- le coût de la PGA en pourcentage des ventes d’aliments;
- le coût et les avantages de l’investissement dans un programme de réduction du gaspillage alimentaire.
Deux outils de mesure directe peuvent déterminer le poids des aliments perdus et gaspillés et le traduire en valeur monétaire : les balances intelligentes du secteur du service alimentaire (comme les outils LeanPath et Winnow) et la Food Loss and Waste Toolkit de la Provision Coalition, destinée aux fabricants.
Impacts sociaux
Les impacts sociaux s’entendent des effets de la PGA sur les humains. La valeur des aliments donnés, le contenu nutritionnel et les repas gaspillés sont des exemples d’impacts sociaux qui peuvent être chiffrés.
Montant des dons
Une entreprise pourrait vouloir connaître le montant auquel correspondent les aliments qu’elle donne à des banques alimentaires et à d’autres organismes à but non lucratif. Il existe habituellement des registres de ces dons; il suffit de les colliger. Si une entreprise ne tient pas de registre, il se peut que les banques alimentaires consignent les quantités d’aliments reçus de chaque entreprise.
Contenu nutritionnel des aliments perdus et gaspillés
On peut évaluer le contenu nutritionnel des aliments perdus et gaspillés de plusieurs façons : calories, macronutriments (glucides, gras et protéines), fibres et autres micronutriments. La base de données la plus complète des types d’aliments et de leurs éléments nutritifs est la National Nutrient Database for Standard Reference (base de données nationale sur les éléments nutritifs) de l’USDA, qui fournit de l’information sur 8 100 produits alimentaires et 146 composantes, dont les vitamines, les minéraux et les acides aminés (USDA, s.d.). En triant la PGA selon le type d’aliment, puis en multipliant la quantité d’aliments perdus et gaspillés par la quantité d’éléments nutritifs indiquée dans la base de données, il est possible d’estimer le contenu nutritionnel de ces aliments non consommés.
Repas gaspillés
En exprimant la PGA en fonction des repas gaspillés, on peut montrer aux non-spécialistes les impacts de la PGA. Les repas correspondent généralement à un nombre de calories, habituellement entre 600 et 700[1]. Pour déterminer le nombre de repas gaspillés, il faut d’abord établir la teneur calorique des aliments gaspillés en utilisant la National Nutrient Database for Standard Reference, puis diviser le nombre obtenu par le nombre de calories que fournit un repas type. On obtiendra ainsi le nombre total de repas; il faut cependant préciser qu’il ne s’agit pas forcément de repas sains ou complets. Les calories ne sont qu’une mesure de la nutrition et, selon le type d’aliments perdus et gaspillés, les repas ne constituent pas nécessairement la meilleure mesure.
[1] Le nombre de calories à consommer chaque jour peut varier (puisque l’apport approprié dépend de la dépense d’énergie), mais plusieurs organisations du secteur de la santé estiment raisonnable un apport de 2 000 calories par jour pour un adulte. Par conséquent, si on suppose qu’un adulte mange trois repas par jour, chaque repas correspondrait à 600–700 calories.